Poser un lapin : L'art subtil (et pas si subtil) de l'esquive sociale

02 May 2024

Ah, le rendez-vous manqué. Le siège vide dans un café bondé. L'attente interminable d'un appel qui ne viendra jamais. Ces situations, aussi universelles qu'un rhume (et souvent aussi agréables), nous rappellent la fragilité de nos accords sociaux. Mais pourquoi diable associons-nous ces moments de solitude non désirée à nos amis à longues oreilles et à leur propension à se reproduire à une vitesse alarmante?

L'expression "poser un lapin" est l'une de ces bizarreries linguistiques qui défient la logique et embrassent l'absurde. Après tout, avez-vous déjà vu un lapin fixer un rendez-vous? Ont-ils même une conception du temps qui s'étend au-delà du prochain bouquet de carottes? Probablement pas. Et pourtant, cette métaphore étrange persiste, gravée dans notre langage comme un rendez-vous manqué sur un calendrier.

Certains diront que l'origine de l'expression remonte au 19ème siècle, où offrir un lapin en guise de paiement était considéré comme une insulte, impliquant que la personne était assez naïve pour croire qu'un lapin vivant valait quoi que ce soit. D'autres théorisent que cela vient de l'argot du jeu, où un "lapin" était un joueur inexpérimenté, facile à tromper. Quelle que soit la vérité, une chose est claire : se faire "poser un lapin" n'a rien de drôle.

C'est une expérience qui peut aller de la simple déception à l'humiliation totale. Un moment, vous êtes plein d'anticipation, attendant avec impatience la rencontre à venir. Le moment suivant, vous êtes seul, fixant votre reflet dans votre tasse de café refroidie, vous demandant ce que vous avez bien pu faire pour mériter un tel sort.

Et pourtant, aussi désagréable soit-elle, l'expression "poser un lapin" possède une certaine élégance ironique. Elle évoque une image comique et absurde qui adoucit légèrement le coup de la trahison sociale. Après tout, qui peut vraiment se mettre en colère contre un lapin, aussi insaisissable et adorable soit-il?

Le lapin comme métaphore de l'évitement

Le lapin, avec sa nature insaisissable et sa vitesse légendaire, devient l'emblème parfait de l'esquive. Il représente l'ami indécis, l'amoureux timide ou le collègue trop occupé pour honorer ses engagements. Le lapin, dans son absence, en dit long sur nos propres insécurités et notre besoin d'être désirés et importants aux yeux des autres.

Les multiples facettes du lapin social

Il existe, bien sûr, différents degrés de gravité dans l'art de "poser un lapin". Il y a le lapin "accidentel", fruit d'un oubli malencontreux ou d'un imprévu de dernière minute. Il y a le lapin "stratégique", utilisé comme une arme passive-agressive pour exprimer son mécontentement ou pour éviter une confrontation directe. Et puis il y a le lapin "en série", le maître incontesté de la disparition, laissant derrière lui une traînée de promesses brisées et de cœurs brisés.

Le lapin à l'ère numérique : un phénomène en pleine expansion ?

Avec l'avènement des réseaux sociaux et des applications de rencontres, le lapin semble connaître un regain de popularité. Le "ghosting", cette pratique qui consiste à couper tout contact du jour au lendemain sans aucune explication, est devenu le fléau des relations modernes. Le lapin numérique, plus insaisissable et anonyme que jamais, hante nos écrans et nous laisse perplexes face à notre propre existence virtuelle.

Conclusion : accepter l'incertitude du lapin

En fin de compte, "poser un lapin" est un acte profondément humain, reflétant nos peurs, nos insécurités et nos imperfections. Il nous rappelle que nous ne sommes pas toujours maîtres de nos vies, et que parfois, malgré nos meilleures intentions, nous sommes condamnés à être le lapin ou celui qui se fait "poser un lapin". L'important est de savoir tirer des leçons de ces expériences, de cultiver la compassion pour nous-mêmes et pour les autres, et de nous rappeler que même le lapin le plus insaisissable a ses raisons.